ORELSAN

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#NVmagZoom

Un clip « simple », des paroles « basiques » : la surprise et l’espoir sont lisibles dans les yeux des fans d’Orelsan qui découvrent fin septembre 2017 son nouvel album « La fête est finie », après plus d’une année de silence. Le rappeur tourmenté se réapproprie son public grâce à une création détonante généreuse en conseils et critiques, au champ lexical très riche. Le retour du porte-parole de toute une génération, qui évoque haut et fort les tabous de notre société, et dont l’influence n’est plus à remettre en question.

« Perdu d’avance », à moins que…

Depuis le buzz de son clip « Saint Valentin » sur internet en 2008, le personnage haut en couleur d’Aurélien Cotentin gagne en notoriété dans le monde du rap français et de la musique en général. Contre l’avis d’une mère professeur et d’un père directeur de collège, Orel se lance. Découvert jeune, connu d’une génération adolescente dans une société bancale, Orelsan comprend et sait se faire comprendre. Son attitude nonchalante et sa désinvolture naturelle en font un artiste qu’on aime parfois détester. Son premier album « Perdu d’avance » et le titre phare « Sale pute » nous laissent découvrir un rappeur amer, ordurier, mais avec beaucoup d’humour. Un humour certes très nuancé, voir noir, et une forte tendance au sarcasme. Le rappeur normand sait trouver les mots qui fâchent, les phrases qui dérangent : il appuie là où ça fait mal, et ça plaît. Primé pour son premier album « Perdu d’avance », disque d’or pour « Le chant des sirènes », deux fois nommé aux Victoires de la musique, Orelsan n’a pas fini de soulever les foules et de nous faire réfléchir. Malgré un titre mélancolique pour son nouvel album « La fête est finie », l’artiste donne de la voix et s’élève face à ses incompréhensions, avec plus de vigueur qu’autrefois, et peut-être même une certaine nouvelle maturité.

Petit homme deviendra grand

Six longues années sont passées entre « Le chant des sirènes » et son dernier album, et Orelsan surgit de nul part, renaissant de ses cendres. Il apparaît clairement que le chanteur a changé : bien que toujours fidèle à lui même, à son franc-parler et à ses rythmiques saccadés, son visage est apaisé, son ton posé, la détermination se lit dans le regard de cet ancien adolescent. Toujours joueur, provocateur par habitude, ses textes résonnent plus profondément, ses mots sont choisis avec plus de soin, ses sujets sont plus sensibles. Dans « Tout va bien », titre sarcastique aux paroles mensongères, le texte est comme adressé aux enfants, leur montrant les malheurs du monde sous un jour embellit. Le rappeur a grandi et évolué, peut-être consciemment afin de toucher un public de plus en plus large, ou pour s’éloigner définitivement d’une image commerciale. « Changements » dans son premier album, c’est les tourments d’un jeune incompris, c’est le sexe et la drogue. « Paradis » dans son dernier album, c’est la parole d’un homme amoureux qui semble avoir trouver la paix, ou au moins un point de repère, et qui n’abuse plus du cynisme. Il donne des conseils au jeune Orelsan du passé dans son titre « Notes pour trop tard ». L’artiste de 35 ans trouve des réponses à ses questions, mais n’est jamais complètement satisfait : le succès, la pauvreté, la violence, la politique notamment, sont des sujets que le rappeur aborde avec hargne dans ce nouvel album.

Orel-san le sage

Une avalanche de vérités « basiques », un retour aux fondamentaux : avec ce titre composé en période d’élections, le rappeur caennais reviens sur les points importants à retenir aujourd’hui. Perdu dans le flot d’informations d’internet, il lui semble nécessaire de faire une piqûre de rappel aux gens. Entre critique des partis politiques et dénonciation du racisme en passant par la dépression et le mal-être d’une génération, Orelsan passe au crible le moindre travers de notre monde. Même les plus petits, ceux du quotidien, récurrent dans ses paroles. Toujours dans la provocation, le rappeur est un artiste engagé, sûr de ses convictions, et ses textes sont une ode au changement. Son sérieux pour appuyer ses propos importants, son sarcasme et son langage familier pour choquer et faire passer la pilule : un équilibre parfait. L’infernal Orelsan s’assagit, il devient selon ses termes « Une bonne meuf » dans un dédoublement de la personnalité astucieux.

Des collaborations fructueuses

« La fête est finie », mais l’artiste en commence une nouvelle : Gringe, Nekfeu, Maitre Gims, Ibeyi, Stromae, Izia… Les invités sont nombreux et variés. L’artiste suscite la curiosité de ses compères et beaucoup d’artistes se sont retrouvés en lui, de multiples projets de duos ou de featurings ont vus le jour. Orelsan s’entoure bien : son ami Gringe et lui avaient déjà collaboré pour créer les Casseurs Flowteurs, duo fusionnel avec un album à son actif, et de nombreux projets cinématographiques, comme « Comment c’est loin », ou encore la série à succès diffusée sur Canal+ « Bloqués ». Stromae, modèle du rappeur, à posé sa patte sur la composition de « Tout va bien » et de « La pluie », et propose deux créations harmonieuses et plus lumineuses, complétant à merveille les zones d’ombres d’Orelsan. Maître Gims, qui avait déjà partagé des titres avec Orelsan, revient sur « Christophe » avec beaucoup d’ironie. Nekfeu donne la réplique à notre chanteur sur « Zone », pour le plus grand plaisir des amateurs de rap. Le garçon triste qui parlait sur sa musique laisse place au rappeur épanoui qui chante avec des artistes reconnus.

Pas toujours dans les clous

Si Orel fascine toute une génération et trouve grâce aux yeux des plus réticents avec son humour et son auto-dérision, le chanteur suscite beaucoup de polémiques. Orelsan ne mâche pas ses mots, et ne les choisis pas toujours en pensant aux conséquences. Cette philosophie lui a valu des poursuites judiciaires pour provocation à la violence à l’égard des femmes, notamment après la sortie de « Saint Valentin », dont il s’est tiré sans trop d’égratignures. Le choix des paroles parfois très ordurier tel que pour « Sale pute » laissent penser à un artiste insensible et macho. En décalage dans un monde qu’il a du mal à comprendre, Orelsan partage d’ailleurs sa solitude et sa sensation d’isolement au sein d’une famille qui ne s’intéresse pas à sa passion dans « Défaite de famille ». C’est une manière de se protéger, une carapace. Il campe sur ses positions : sa musique crue est terriblement sarcastique et exagérée, il parodie, ce sont des paroles à prendre au second degré. Ce personnage exubérant énerve et passionne, les plus influents ne peuvent museler la grande gueule du rappeur : ce franc-parler et les polémiques qui s’ensuivent font partie intégrante du personnage. Les politiciens, les secrétaires d’état, les organisations diverses ne peuvent arrêter la plume aiguisée de l’artiste. Le narrateur mélancolique aime transgresser les règles de bienséance, il veut être entendu quelle que soit la manière, et ça lui va bien.

Artiste sur toute la ligne

Orelsan, qui peut sembler parfois perdu, sait en fait très bien où il va : un style musical bien à lui, des punchlines historiques, des insultes assumées, des vérités crues mais toujours imagées, perdues dans la poésie. Des rythmes grisants et des refrains qui restent en tête, Orel à trouvé sa recette, son style, son personnage. Et son public : la génération Z se reconnaît et évolue avec lui. Un rappeur devenu artiste complet: après le monde du rap, c’est celui de la télévision et du cinéma qu’Aurélien s’approprie : la série « Bloqués », cinq rôles au cinéma et du doublage de voix. Le lancement en 2014 de sa propre ligne de vêtements « Avnier » marque la réussite d’Orelsan, et le second souffle d’une carrière artistique « Pour le pire », et surtout pour le meilleur.

Enola Chagny

Le 06/02/18 au Zenith Sud – Montpellier (34), le 28/03/18 au Silo – Marseille (13), le 28/06/18 aux Arènes – Nîmes (30) et le 26/07/18 au Stade Tropenas – Montélimar (26).

www.orelsan7th.com

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